31 décembre 2014

Je n'aime pas les fêtes

Plusieurs semaines avant mon entrée dans la sixième décennie, j'avais prévenu. Pas question de me demander d'organiser une fête à cette occasion. Et encore moins question de m'imposer le fameux anniversaire-surprise tellement tendance.
Mes menaces avaient été telles que mon entourage le plus proche n’organisa rien, et me laissa passer cette journée sans la moindre allusion à mon âge. Steak haché et petits pois carottes pour un déjeuner solitaire. De bougies, point.
Depuis, il y a eu quelques transgressions à cet interdit, et je ne me suis pas fâché parce que c'était à chaque fois un témoignage sincère d'amitié. Mais la menace est toujours là, et ma septième dizaine débutera discrètement. Je n'anniverserai pas à grand bruit. Enfin, je ne crois pas.
Qu'on se rassure, je réponds volontiers aux invitations de ceux qui fêtent, ou de leurs proches qui anniversairent-surprennent pour eux. Arrivée discrète, cinq minutes à attendre dans le noir, ce n'est pas bien long... Et si le héros du jour est content, c'est parfait. Mais pas pour moi, merci !
Je n'aime pas les fêtes quand elles sont programmées, organisées, obligatoires, ritualisées, et surtout si je dois en être acteur. Des psys discerneraient sans doute mon petit problème : une farouche volonté qu'on me foute la paix sans demander d'explications à mon comportement.
Le mois de décembre est terrible, et mes frayeurs commencent dès le mois de novembre, au moment où les jours deviennent si courts et le brouillard si épais qu'on se demande si on ne devrait pas déménager dans l'hémisphère sud la moitié de l'année.
J'ai vraiment peur de la fin d'année, génératrice d'une frénésie consommatrice et gastronomique souvent indécente. Huitres foie gras et saumon à volonté... Pour tout le monde ?
Je ne suis pas le seul à appréhender Noël et le jour de l'An. Il n'est alors question que de b..., heu, pardon, de manger, de boire et d'offrir des cadeaux. Avec les malentendus qui accompagnent ce rituel fort sympathique malgré tout...
Là, je sens que vous ne me suivez plus. « Pour de vrai, c'est quoi ton problème ? »
Le sapin, les tables décorées, c'est agréable.
Des heures à table, des verres qui se vident et se remplissent tout seuls, la dinde qui n'est pas cuite, des enfants qui crient et mangent avec leurs doigts... c'est moins drôle. La soirée s'éternise, pas moyen de s'éclipser et d'aller dormir. A midi, on regarde par la fenêtre en se disant qu'on serait si bien dehors. On se sent lourd, on reprend du café, une ou deux papillotes, voire plus. Et on échange des propos sur les effets nocifs du surpoids et de la nécessité de se remettre au régime.
On serait si bien dehors. Mais la nuit tombe déjà.
Les enfants, eux, étaient sortis après quelques minutes passées à table. Ils rentrent dans la maison en laissant toutes les portes ouvertes. Les chaussures boueuses ou pleines de neige, ils racontent aux parents admiratifs les prouesses du cousin qui est descendu en luge tellement vite qu'il est monté sur le tas de fumier du voisin (oui, çà existe encore !). Les griffures au visage ? C'est la clôture en fil de fer barbelé. Mais ce n'est pas grave, il n'a pas pleuré... Est-il vacciné contre le tétanos ?
Maintenant le cousin pleure parce que sa mère l'a grondé. Son anorak tout neuf a subi les mêmes outrages que son visage. Mais personne ne l'entend hurler à cause de la télé dont on a monté le son au moment de l'émission sur les animaux. Comment se protègent-ils de l'hiver ? Maintenant, c'est une émission très drôle. Des gens font des chutes monstrueuses, qui nous font rire parce que la maladresse et le malheur des autres réjouissent toujours le spectateur. Les mêmes émissions tous les ans. Comme tous les samedis aussi. Bientôt tous les jours, sur toutes les chaines. Riez, moquez-vous, rien n'est sérieux.
Chez ma grand-mère, quand j'étais petit, il y avait le déjeuner du jour de Noël. Mon papa s'endormait sur un canapé genre causeuse, recouvert d'un tissu vieil or à motifs râpeux, au moment où débutait la séance de diapositives. A la fin du repas, vers cinq heures. Les retraités, mes grands-parents, nous faisaient ainsi partager leurs dernières vacances. Ou d'autres vacances, il y a plus longtemps. Moi, je m'esquivais dans la cuisine pour lécher le plat de bûche aux marrons dont je n'avais pu obtenir qu'une seule part... Et je préparais quelques blagues à ma grand-mère. Je ne raconterai rien, çà pourrait donner des idées aux petits. Ma grand-mère aimait bien mes blagues.
Il me reste aussi de bons souvenirs de ces fêtes. Mais sans doute trop peu. Et c'était il y a longtemps. Alors j'ai tourné la page. Je me méfie des discussions qui s'enflamment après l'apéritif. Je sais aussi que nous n'avons pas tous suivi les mêmes chemins, et qu'on ne recrée jamais une ambiance lointaine. Nos mémoires n'ont pas sélectionné les mêmes souvenirs.
Les fêtes me font peur, et les fêtes m'ennuient. Ceux que j'y croise sont de ma famille, ou des amis. Je suis content de les retrouver. La complicité nous réunit très vite. Mais nos vies nous ont apporté des richesses différentes, des richesses qui ne se partagent pas facilement.
Très bonne année 2015.

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