Le visage anguleux comme une hache. Et
surtout, cette épouvantable moustache qui déborde et souligne
encore le tranchant d'une tête trop osseuse. Bien maigre, à peine
voûté, et les quelques cheveux qui lui reste coiffés en arrière. Il est
taillé pour fendre la bise ou affronter la tempête qu'il aura
plaisir à déclencher dès que l'occasion s'en présentera.
Et puis, toujours ce sourire ironique,
narquois, qui veut dire « je veux bien discuter avec toi, mais
tu verras que j'ai raison ». Le type est agaçant, l'homme est
pourtant brave, mais il n'a qu'un objectif : trouver un
interlocuteur pour une terrible joute. C'est un combattant du verbe. Qui use des mots comme d'autres de leurs poings.
Il devient facilement ton ami, si tu
l'écoutes, mais surtout si tu le contredis. Sa passion, c'est la
baston. L'excès, l'outrance parfois, la mauvaise foi si besoin ;
tout est bon dans son discours pour tenter de convaincre
l'adversaire. Il ne le convainc jamais, mais il goûte le plaisir de
dire ce qu'il pense, ce qu'il veut, ses vérités.
Surtout, ne pas chercher à comprendre
ni à expliquer cette posture. Supporter sa façon d'être,
acquiescer parfois, et surtout, montrer que l'on s'intéresse à lui.
Il devient alors le plus fidèle partenaire, prêt à rendre tous les
services, et à témoigner une véritable affection à son
contradicteur.
Il sait qu'il ne sera jamais le chef,
qu'il ne brillera pas, et que sa photo ne figurera pas sur l'affiche.
Il le voudrait pourtant. Alors, offre-lui un moment de gloire, des
remerciements appuyés devant les autres, ceux qui parfois le
méprisent. Présente-le à tes amis, montre-lui que tu l'aimes comme
il est, que tu respectes sa passion et ses emportements. Tu pourras
alors obtenir le calme, la retenue, voire la compréhension.
Et surtout, même s'il t'est devenu
insupportable, ne l'abandonne pas. Il a besoin de toi. C'est un homme
bon et affectueux, qui aime les gens autant qu'il les provoque.